Sortie
par Anouk G

2008/03/31
Il est parti comme il est venu
dans le flou et le désordre.
J’ai enlevé son nom de la porte
pour signifier sa sortie.

Je ne crois pas avoir de chagrin.
Pleure-t-on un courant d’air
un paradoxe une chimère ?

Le présent se conjugue en point de suspension...
Et son image se dissipe dans un vol de papillon.

Il est parti comme il est venu.
Ce qui n’a pas été n’est plus.

2008/04/01
J’ai gardé au fond de mon âme un jardin sauvage et fou
Lorsque les voix du monde sont trop rudes je visite mon jardin

Dans les hautes herbes
Je roule, je m’étends et je chante
Je chante ma peine et mon chagrin
Je m’enivre aux parfums des fleurs
Et je bois l’eau de la source

Personne ne connaît l’entrée de mon jardin
Et dans le labyrinthe de feuillus moi seule en connais la sortie

2008/02/02
C’était un jour comme un autre
Il y avait du monde devant les vitrines des grands magasins
C’était un jour comme un autre
Il y avait du soleil je crois mais il faisait froid.

Lui,
Il a passé ce jour comme n’importe quel autre
Il a fait une sieste
Il lu son journal
Il a bu son café
Il est allé se promener à petits pas
Il se sentait fatigué mais il n’a rien dit
Peut-être qu’il ne disait plus rien depuis longtemps
Déjà

Le lendemain
C’était un jour comme un autre mais il pleuvait
Il s’est levé, a décidé qu’il était temps de signer son avis de sortie
Personne n’a vraiment compris.

2008/02/03
J’ai mis une jolie robe
Une touche de parfum
Du rouge sur mes lèvres
Je ne l’ai pas dit ?
Je suis de sortie

2008/02/04
Aux petits matins blêmes
après de grandes nuits blanches
je me souviens des sorties de classes
lorsque j’étais enfant.
Devant la cohue des corps qui se bousculent
souvent je marchais à reculons.

J’aurais voulu être ailleurs.
Je savais déjà que plus loin
m’attendait l’imagination.

C’est la vie qui m’a mise en décalage.
Si tôt elle m’a obligée à plonger en moi-même
que souvent je m’absente.
Je suis nomade profondément.
Pas une grande voyageuse,
Une attrapeuse de rêve qui s’échappe dans le vent.
Je ne suis jamais là où je m’attends.

2008/02/05
Sépulcre est son nom
Ombrageux démon
Rageur furibond
Tiraillé par l’ivresse des grands fonds
Il est l’empêcheur d’aimer en rond
Et il sonne le glas des illusions

Plus tard...

Dans le mot sortie il y a ortie
Cette herbe que l’on dit mauvaise
est urticante si l’on n’y prend garde.
Mais si on la cueille avec douceur
elle est délicieuse sautée avec du beurre.

2008/02/06
Mesdames, Messieurs,

Le spectacle est terminé
Vous avez ri, vous avez pleuré

Nos héros sont nés
Ils ont grandi
Ils se sont rencontrés
Aimés
Quittés
Ils ont vécu leur vie

Il n’y a plus rien à voir
Par ici la SORTIE

Portière
par Mr G

2008/03/31
Pas de silence dans la ville
On oublie le parfum des roses
Rien qu’un instant Polaroïd
Tenir la vie au bout des doigts
Inventer le monde en douceur
Errer sur des pages en couleurs
Retenir son souffle sous l’eau
Effeuiller les pétales des nuits
Sortir serein, par la portière…

2008/04/01
J’ai vibré sur des parallèles
Conduit les mêmes voitures,
Ouvert les mêmes portières.

J’ai tracé mes routes à l’oubli
Redessiner de longs chemins
Et parcouru le temps sans bruit.

J’ai garé mon âme à l’enfance
Pris des virages sans balise
J’ai regardé souvent devant

J’ai roulé sur les dunes en feu
Glissé mes yeux sur l’océan
Et j’ai pris mon envol sans fin

J’ai vibré sur des parallèles
Conduit les mêmes voitures,
Ouvert les mêmes portières.

2008/04/02
Une nuit, un printemps timide
Dans une rue sombre et silencieuse,
Se gare une Ford Mustang Fastback 1967.

Son moteur grogne à en dévorer l’asphalte.
Un dernier coup d’accélérateur crépite,
Puis le silence retourne à la nuit.

La portière s’ouvre, côté chauffeur.
L’homme sort et fait le tour de la voiture
Il se penche vers la vitre et sourit.

La femme, à l’intérieur de la voiture lui parle.
Elle a simplement entrouvert sa fenêtre,
mais elle ne semble pas vouloir descendre…

Un quelque chose d’irréversible…
Elle écoute une musique de Lalo Schifrin…
L’homme s’éloigne sans sourciller.

2008/04/03
C’est la singulière histoire d’une sorcière
Qui s’était pris les doigts dans une portière.

Son balai volait trop vite et en sens inverse
Elle ne pût éviter ni le camion et ni l’averse

Photo Mr G

C’est la singulière histoire d’une sorcière
Qui s’était pris les doigts dans une portière.

2008/04/04
Aux marches d’un Palais mythique,
il était le spécialiste des portières.

De celles qu’on ouvre sur les Stars...
Avec pour seul pourboire, un sourire...

Petit homme vif vêtu de rouge
Planté au seuil du grand Plaza.

Marquant le sol sans fin, de l’éclat de son sang,
Ce matin malchanceux, sous une Cadillac...

Il était comme la clef d’un chemin éphémère
Aussi rouge que ses joues à la vue des vedettes...

La porte s’est refermée et les pneus ont crissé,
La Cadillac a disparu, petit homme y est resté...

2008/04/05
Une concierge ébouriffée sanglotait sur le palier...

Moi : Qu’est ce qui nourrit ta peine, Portière ?...

Elle (souriant soudainement…) :
Portière, m'as-tu dit ?...

Voilà bien 40 ans que j’ouvre cet immeuble.

Matin, midi et soir...
Parfois même la nuit à des retardataires...

J’en ai vu des amants, croisé des démarcheurs,
Des diseurs de bonheur, des menteurs, des voleurs,

Des enfants grimaçant toujours sur mon passage,
Raillant sans se cacher mes précieux bigoudis...

J’ai esquivé leurs rires et toutes moqueries,
J’ai souri sans envie, j’ai pleuré pour leurs fautes.

J’ai ouvert aux docteurs venant sauver des vies,
A des prêtres charmants donnant l’absolution.

Et jamais, m’entends tu... jamais jusqu’à ce jour...
Ni les uns ni les autres ne m’avaient conjuguée...

(Prise d’un énorme éclat de rire...)

Tu as séché ma peine de toute sa bêtise.
Concierge je resterai, une fois m ‘a suffit...

Merci...

Moi : Me voilà soulagé pour toi...
Ouvre moi la porte encore une fois...

Je vais (z) aller dormir un peu...

2008/04/06
Les portières sont des cadres où l’imagination défile.
Des tableaux quotidiens aux mouvements perpétuels,
Où le signe du ciel circule en paysage.

Elles sont les yeux du peuple se rendant au travail,
Le doux miroir du luxe qu’on effleure en passant.
Les fenêtres où le vent s’insinue en vitesse.

Elles sont chargées sans bruit de regards indiscrets.
Des larmes s’y incrustent aux abords d’une averse.
Des souvenirs s’y collent au retour des vacances.

Encadrant le chaos de l’œuvre en longs voyages,
Elles entourent la vision comme on chante une idée.
Ouvertes sur la rue, frôlant les caniveaux,

Tous les sons s’y engouffrent, et se mêlent à la vie.
Les cris frôlent l’oreille auprès des cours d’école,
Et la ville en profite pour y rugir sa haine.

Et je pense à Verlaine, assis au fond d’un train,
Fixant « Le paysage dans le cadre des portières »
Rangé au texte VII de La « Bonne Chanson ».